dimanche 5 juin 2016

West Coast Trail : Premier Jour, Gordon River - Thrasher Cove (km 75 à km 70)

Le West Coast Trail fait partie des sentiers de randonnée mythiques et fantasmés de cette partie du monde. Il s'etend sur 75 km au sud-est de l'île de Vancouver, entre les petits villages de Port Renfrew (au sud) et de Bamfield (nord), situés aux deux extrémités du parc national. Hormis quelques hameaux autochtones plus ou moins abandonnés et 2 phares, il n'existe aucune construction humaine sur ces 75 km de sentier. Il n'y a ni route ni ravitaillement possible non plus. Le reste n'est juste que forêt pluvieuse, côtes déchirées, plages intouchées, brumes et vents.

A l'origine, il était destiné à offrir aux naufragés de la côte un sentier de secours. La forêt est en effet naturellement impénétrable sans la maintenance d'un sentier et le passage par la côte présente des obstacles infranchissables. Le sens naturel du sentier est donc du Nord vers le Sud, car c’est vers Victoria BC, que les naufragés étaient censés se diriger.

En février 2016, j'avais trouvé sur www.couchsurfing.org l'évènement créé par un certain A. de Vancouver. Il prévoyait de le faire sur 6 jours. Plusieurs personnes s'y étaient déjà inscrites lorsque je le trouvai. Je vis en cette occasion l'opportunité unique de le faire. Je ne pouvais pas envisager de le faire seul et je ne connaissais personne tentée et/ou disponible pour m'accompagner. Il faut par ailleurs y penser longtemps en avance car l'administration du parc impose un quota de randonneurs et facture 184 CAD pour l'utilisation du sentier.

Nous fûmes 6 participants à se retrouver le dimanche 5 juin au matin (6h45) au départ de la navette (www.trailbus.com, 140 CAD AR) devant le Musée Royal de Colombie-Britannique à Victoria BC. Nous sommes arrivés au bureau du parc situé à Port Renfrew pour la séance d'information obligatoire prévue à 11h.

Nous avons donc randonné du sud vers le nord. Débuter par le sud présente, à mon avis, l'avantage de commencer par la partie la plus difficile et la plus épuisante, c'est-à-dire les 20 premiers kilomètres. Après ces 17 premiers kilomètres, le chemin devient aisé et s'il n'y avait pas les sacs à dos à porter, ce serait ne promenade de santé. Plus on s’approchait de l’arrivée à Bamfield, il était par ailleurs psychologiquement facile de nous octroyer de longues pauses sachant que le plus dur était derrière nous. Le seul inconvénient fut que le sac à dos avait le poids maximal au début, mais nous étions frais et au maximum de notre motivation.

Les 4 autres participants hormis moi-même et l'organisateur de l'évènement étaient un groupe d'amis de Calgary (Amanda, Cindy, Chris) et une australienne en PVT à Victoria BC (Ursula). Ils n'étaient pas tous donnés favoris. Amanda gagna sa première ampoule au pied gauche à la descente du bus. Sa copine Cindy portait des chaussures toute neuves et un sac à dos de lycéenne. Enfin Chris avait choisi un sac à dos parfait pour un road trip mais totalement inadapté pour une randonnée notoire de 6 jours.

Pour ma part, j'avais le sac à dos le plus lourd (25 kg). Il faut dire que j'avais suivi scrupuleusement la liste des choses à avoir (et donc à acheter) que j'avais récupérée lors d'une séance d'information organisée par l'équivalent local du Vieux Campeur (www.mec.ca). Le plus lourd restait la nourriture. Si j'avais acheté des plats lyophilisés au magasin de sport pour les dîners, mes déjeuners (saucisson de France, trempettes, tortillas, quelques fruits frais pour les premiers jours) et mes casse-dalle (trial mix, fruits secs et barres protéinées), étaient incroyablement lourds.

Nous quittons le bureau du parc équipé de notre pass et de quelques conseils de survie et de comportement face à la faune locale qui nous ne rassuraient pas. Ours, loups et pumas vivent le long du sentier. Nous étions tous un peu angoissés.


Nous voilà partis. Le sentier monte rapidement le long du relief de Port San Juan. Nos muscles sont froids, nos sacs à dos sont lourds. L'air de la forêt est frais mais plus humide que si on marchait à sa lisière. Pas le choix, il faut continuer. La première échelle se présente. Il faut passer l'un après l'autre. Bien attendre que l'échelle soit libre pour s'y aventurer. Après ma descente, A. en haut de l'échelle me lance : "tu rattrapes mes bâtons ?" Je n'ai pas le temps de me retourner ni de réfléchir, ni de me libérer les mains que je vois ses bâtons tombés au-dessus de ma tête. Je les repousse avec mes bâtons. Dès lors, je classe ce mec, qui prétend randonner dans le monde entier, dans la case des personnes à éviter. J'avais déjà eu un mauvais pressentiment dans le bus. Il riait faux dès qu'il disait quelque chose, c'est à dire tout au long des 3 heures du  trajet.

Première échelle
Bref, je m'écarte de lui et retrouve la tête du peloton. Le temps paraît long lorsqu'il faut passer les racines, rochers. Après 3 heures de marche, la vue de l'échelle qui nous amène au premier campement (Thrasher Cove, km 70) est en vue. On sort de la forêt et on se retrouve aveuglés par le soleil de 15h qui se reflète sur le sable de cette très belle plage. Comme nous l'avait conseillé le gardien du parc, nous décidons de nous arrêter là pour la nuit afin de continuer notre périple à la marée basse du petit matin qui nous évitera de continuer par la forêt. 4 heures de marche difficiles est selon nous une bonne performance pour le premier jour. On installe rapidement nos tentes à l'abris des grandes marées. Les filles se regroupent ensemble pour éviter A. Bien sûr A. s’installe à côté de moi. Je suis certain qu'il ronfle. Il en a le profil. Je remercie mon organisation : j'ai prévu des boules Quies. 

Peloton de tête

Log Jam Creek
Dernière échelle avant d'atteindre Thrasher Cove

Je pars me baigner. L'eau s'avère gelée mais le sentiment de froid n'apparaît au niveau des pieds qu'à quelques mètres du bord uniquement, suffisamment loin pour que revenir sur le sable prenne plusieurs longues secondes. Je m'isole du groupe pour profiter du soleil qui commence à disparaître derrière les arbres. C’est une constante chez les canadiens de fuir le soleil. Je découvre l'ingénieux système des toilettes que je ne souhaite pas décrire ici pour ne répugner personne. Un allemand solitaire s'invite pour le diner. Il restera avec nous jusqu'à la fin du périple.

Thrasher Cove
Thrasher Cove

Aucun commentaire: